Le choc culturel en quatre temps
Posted by Armelle Rossetti sur janvier 16, 2010
Vous venez d’emmenager au Québec. Vous avez apporté avec vous vos propres codes culturels qui orientent votre manière de voir, de penser et de résoudre des problèmes. Or, depuis, vous avez inévitablement rencontré d’autres moyens différents d’agir, de percevoir ou de valoriser les choses, qui ne concordent plus aux vôtres et à la vision du monde qui vous a été transmise. Aussi les événements vous apparaissent-ils moins prévisibles. Les règles comportementales deviennent floues.Vous affrontez le choc culturel que ressent tout immigrant qui vient vivre dans un nouveau pays.
Mais qu’est ce qu’un choc culturel et comment se manifeste t-il ?
De mes différentes lectures sur le sujet et de nombreuses rencontres très enrichissantes au quotidien avec des immigrants de toutes origines, j’ai essayé de résumer ma perception de cet état de choc qui se traduit comme « une maladie dont souffrent, à divers degrés, la plupart des personnes qui vivent à l’étranger… » selon un anthropologue canadien qui a abordé cette notion dans les années 60. Le choc culturel se traduit par une anxiété de l’individu qui va perdre tous les signes et symboles familiers des rapports sociaux qu’il connait. Il est ressenti à des degrés divers. Pour mieux affronter le choc culturel, il s’agit d’en connaitre les causes et d’apprendre à en reconnaître les symptômes et les 4 principales phases.
Les Quatre phases d’adaptation :
Le processus d’adaptation dans le pays d’accueil est décrit depuis longtemps au travers d’une « courbe en U » qui fut créée par J.Stewart Black & Mark Mendenhall : la Phase du spectateur appelée Lune de miel, la Phase de désillusion et d’implication, le Choc de culture , la Phase de l’adaptation et la Phase de Maturité.
Phase 1 : La Lune de miel. Période d’enchantement, assez courte. C’est une période de curiosité et d’intérêt pour le nouveau pays. Au programme : découverte, enthousiasme, fascination, et implication. La personne se retrouve dans un pays inconnu où tout reste à découvrir, notamment une nouvelle culture qui diverge de leur culture d’origine (normes, valeurs, comportements, us et coutumes), sans que cela ne remette en cause pour l’instant son propre système de valeurs. Son système va servir alors de référentiel.
Phase 2 : Le Choc culturel. Cette phase est aussi appelée désillusion et frustration. L’individu ressent ce déphasage culturel comme une sensation de manque, une notion de perte, car il ne trouve pas ses repères dans sa vie quotidienne (alimentation, manière de vivre, comportement, langue différente, administration…). Il va donc se confronter aux réalités de la vie quotidienne et aux difficultés de logistique et matérielles. Les mots clés qui se rapportent à cette période sont : différences, isolation, confusion, mal du pays d’origine. . Il ressent un vide culturel et de la nostalgie… Ce mot se compose de deux racines grecques : νόστος = nostos = rentrant à la maison, et άλγος = algos = douleur / se languir. Ce terme se rapporte donc à la douleur qu’une personne malade ressent parce qu’elle souhaite retourner à sa terre natale et ayant des craintes de ne jamais revoir. Le mal du pays peut conduire à différents syndrômes : psychologiques (dépression,manque de confiance…) physiques (maux d’estomac,insomnie) et comportementaux (nervosité, repli…).
Phase 3 : Adaptation ou échec. La personne va prendre ses distances ou s’intègrer, en acceptant ou refusant son nouveau mode de vie. S’il prend le chemin de l’adaptation, il va alors adapter ses habitudes à la nouvelle culture, être rassuré, trouver ses repères, remplacer ses anciennes habitudes par de nouvelles. Il devient capable de voir les différences des deux cultures de manière plus objective et de gérer cette situation. Sinon on se dirige vers un reniement et un échec.
Phase 4 : La Maturité Cette étape est aussi appelée phase de l’intégration ou de maîtrise. Les différences sociales et culturelles sont acceptées. L’individu est capable de fonctionner avec sa culture d’origine et celle du nouveau pays .
Une meilleure compréhension de ces quatre temps permet aux immigrants de mieux les apprivoiser et de les anticiper. Je me sens personnellement, après 10 ans de vie au Québec, en phase 4 mais j’ai concrètement traversé toutes les étapes du cycle d’immigration. Vous vous retrouvez sûrement vous aussi une de ces phases, vous avez des commentaires ? Livrez-nous votre vécu personnel, il aidera sans aucun doute d’autres immigrants dans leur démarche d’intégration…
Jo Lanoë said
Arrivé au pays en 1974, le mal du pays nous en a fait repartir « définitivement » (aller-simple) en 1979. Au bout de trois semaines en France, nous avons eu le mal du pays… pour le Canada. Nous avons décidé de nous calmer le pompon, et de nous réadapter en France. Au bout de 3 ans, c’était clair, c’était les valeurs du Canada que nous préférions, en particulier pour l’avenir de nos enfants. On a refait au complet les formalités d’immigration, et en 1985, nous étions de retour … au pays, ici au Québec ! Et la phase 4 a pu alors commencer. Avec succès cette fois.
Armelle Rossetti said
Bonjour Jo et merci de ton témoignage. Tu fais effectivement partie des gens que nous avons cotoyés ici et qui sont aujourd’hui entrés en phase 4 et clairement enracinés au Québec (même si on comprend que tu l’ait fait visiblement en 2 temps…3 mouvements).
Par contre, pourrais-tu nous dire comment tu as vécu, avant d’entrer dans cette phase 4, celle du « Choc culturel » ? C’est en effet la plus délicate à passer et la cause de pas mal de « retours au pays ».
Amicalement.
Pierre NINON said
Bonjour Armelle,
Bravo pour cette analyse.
Dans le cas d’un immigrant entrepreneur les 4 phases s’appliquent encore plus fortement.
Phase 1 : tout est possible
Phase 2 : tout est à décoder
Phase 3 : tout est à remettre en question
Phase 4 : tout s’accélère
J’ai découvert que le sens de l’observation et le réseautage permettent ici de mieux gérer son adaptation.
Le choc culturel est un cap important à passer et je pense que le plus grand danger reste l’isolement et le repli sur soi-même. Les aspects matériels ne sont en rien insurmontables, par contre l’aspect psychologique prend une dimension autre.
L’immigrant français me souhaite pas se retrouver entre français une fois installé, ce qu’il oublie c’est que les personnes déjà en place entretiennent un réseau local, et ce réseau ouvre sur des possibilités multiples.
Amicalement.
Pierre.
Francis Bélime said
Bonjour Pierre. Je partage ton analyse et ta « traduction personnelle » des 4 phases dans le contexte professionnel est vraiment représentative du parcours de l’entrepreneur immigrant. Et évidemment, la phase 2 est, comme dans le cas de l’intégration sociale, le cap difficile à passer.
Je crois que c’est à se moment là que l’appui de la communauté est important. On se doit donc de réussir l’organisation de cette démarche dans le cadre de la Chambre de commerce française au Canada et toutes les forces vives seront nécessaires pour bâtir des projets ambitieux.
Carmen Gerea said
Bonjour Armelle et Francis!
Après 6 ans au Québec, je crois avoir atteint la phase 4. J’ai l’impression que le choc culturel n’a pas duré longtemps. Probablement à cause de l’âge, du fait que j’avais déjà vécu un déracinement (plus court, pour une année d’études, mais tout de même…), j’étais bien entourée, etc..
Bref, maintenant je revis un peu la même chose mais d’une perspective différente, avec certainement plus de maturité au niveau personnel, mais cette fois-ci dans un autre pays, le Chili. Je dois être encore en lune de miel avec des journées marquées de « choc culturel ». Ces journées-là, je m’ennuie…du Québec 🙂
Armelle Rossetti said
Merci pour votre témoignage. Passer de la Roumanie, la France, le Québec et le Chili, super ! Quelle vie et quel enrichississement ! Meme si parfois le choc culturel est important et pas facile à absorber….
Séverine said
Bonjour Armelle,
Il est clair que tout immigrant passera inévitablement par ces phases. Et heureusement car nous ne pouvons pas changer de pays, de cultures et de repères sans conséquences. Si c’était le cas, cela voudrait seulement dire qu’on n’est pas connecté à la réalité.
Il est clair que la phase 2 a été assez marquée pour moi, beaucoup de choses me manquaient, la culture de mon pays, les méthodes d’enseignement pour les enfants, les relations familiales et de couple, la nourriture (comme tout bon Français)…
J’ai eu la chance d’avoir des amis québécois et immigrants, d’avoir un réseau tant professionnel que personnel, qui m’a permis d’avancer plus sereinement dans cette phase 2.
Il est vrai qu’ici, au Québec, le réseau est vraiment important pour avancer. Il ne faut pas se retrancher chez soi, sinon on cultive un terreau favorable à l’émergence de la déprime et du mal du pays.
C’est vraiment la façon de passer cette phase 2 qui fera que la phase 3 sera une phase d’adaptation ou d’échec.
Maintenant, je regarde avec plus de recul ces choses qui m’ont tant manquées ou qui me choquaient. Je vois que mes enfants s’épanouissent malgré un enseignement différent de mes repères, que la Culture est variée et je suis curieuse d’en découvrir plus et je retrouve même plein de produits de France, il suffit de savoir chercher.
Bref, je suis dans ma phase d’adaptation et après 1 an 1/2 ici, je me trouve très chanceuse d’avoir des amis (québécois pure laine et immigrants) pour qui nous semblons compter, d’avoir un réseau réel et actif. En si peu de temps, je suis chanceuse!
La chance, oui mais aussi la volonté de s’intégrer et l’acceptation de nos 2 cultures comme étant chacune riche et pleine de surprises!
Armelle Rossetti said
Merci Séverine pour ton témoignage. Tu as déjà pas mal avancé en moins de deux ans… Les années passent et tu feras encore d’autres rencontres enrichissantes que ce soit avec des québécois pure laine ou des immigrants.
Armelle
Sandrine HANNIS said
Bonjour à tous,
L’article et les commentaires me semblent trs intéressant car nous projetons en famille d’habiter au Quebec.
Au moins on est averti;
Cependant ressentons ce choc de la même façon quand on a l’habitude voyager à travers différentes régions de la France et ses outre mers.
Marie said
Bonjour,
J’ai eu la chance de voyager et étudier au Québec et cet article me ramène à ma propre expérience réussie et peut être en voie d’être renouvelée :
– euphorie de la découverte: on est touriste, les yeux grands ouverts, fascinés par la nouveauté et prêts à braver toutes les montagnes pour se découvrir dans un ailleurs
-1ers pas vers la différence: on rencontre vraiment l’entourage, on entre dans une phase où le quotidien exacerbe les différences, les manques et parfois cela devient difficile de communiquer et favorise le côté « chez nous… » « ici c’est tellement… »
j’ai eu de beaux quiproquos avec l’humour et des discussions assez houleuses sur la politique, l’anglais…mais c’est aussi dans cette phase que l’ouverture à l’autre vous permet d’entrer en relation avec la nouvelle culture et de vous lier sincèrement.
-adaptation : si l’ouverture a réussi on a créée un 3ème espace de discussion, d’épanouissement. au contraire si la perte de repères est trop forte l’intégration de s’opère pas
– la maturité réside pour moi dans le fait de savoir quelles différences nous complètent et comment elles nous rassemblent tout en préservant notre identité
et puis un condition de réussite est aussi le moteur de la prise de décision de partir!
bref il y a toujours quelque chose à gagner ou apprendre!
et c’est un sujet extrêmement compliqué à gérer notamment pour les entreprises et leurs expatriés, car la préparation et surtout le retour ne sont que trop rarement pensés!
bonne soirée à tous
Externalisation said
S’il y a échec après le choc culturel, la personne va donc retourner d’où elle vient. A Québec ou à d’autres villes, ce problème de choc culturel revient toujours. Mais un homme moderne se doit de s’adapter, avoir toujours un esprit ouvert.
Corine Markey said
Merci Armelle pour ton partage.
Après presque 15 ans, je dois être dans l’étape 4.
Je découvre encore des façons de faire et d’être différentes des miennes et cela me plait. L’ouverture d’esprit réciproque crée de belles relations d’amitié.
Je me souviens que durant les premiers mois il y eut des moments où je me sentais complètement téflon. Pas moyen de trouver un arrimage entre moi et mon environnement. C’était enrageant.
Je crois que l’expérience de l’immigration nous transforme.
Ca a pas d’bon sens « ca a pas d'bon sens said
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